L'esprit de la maison
tient en deux mots, très exactement en deux citations :
tient en deux mots, très exactement en deux citations :
Pour trouver un gagne-pain, il n’y a pas de plus mauvais moyen que la philosophie. Ce sont tout au plus des manuels de philosophie ou des écrits de pure vulgarisation – des livres édifiants, en quelque sorte – qui trouvent des éditeurs.
Hegel, Lettre à Creuzer, mai 1821
La question de la recevabilité de ces poèmes est un problème qui vous intéresse autant que moi. Je parle, bien entendu, de leur recevabilité absolue, de leur existence littéraire.
Artaud, Lettre à Jacques Rivière, 5 juin 1923
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Le constat
C'était déjà difficile pour Hegel lui-même à son époque. Plus proche de nous Jankélévitch a connu le purgatoire éditorial pendant plusieurs décennies alors qu'il avait déjà une œuvre derrière lui. Qui publierait aujourd'hui L'être et le néant, ou même des textes courts comme l'Introduction à la métaphysique de Bergson ou Le temps et l'autre de Levinas ? Quelles sont les chances d'une philosophe, d'un écrivain jeunes de voir son premier livre publié dans l'une des maisons dont les catalogues regroupent le gros de la philosophie des années 1930-1980 ?
Ces trente dernières années, l'éventail des éditeurs de philosophie s'est drastiquement refermé en même temps que l'offre restante s'est uniformisée en adoptant les attentes supposées du marché. Sous le logo "philosophie", l'essentiel de ce qui se colporte désormais est adapté à la pure logique marchande : des ouvrages de circonstance qui collent à l'actualité, à la morale ambiante, aux lubies du moment colonisent les librairies comme les supermarchés. On ne compte plus les petites, les grandes et très moyennes Philosophies du vélo, philo du jardinier, philo de la belle-mère, du management, etc. "Chaque homme [ou femme] ayant son prix auquel il se vend", comme dit Kant, on voit même paraître des philosophies anticapitalistes de l'adaptation parfaitement adaptées au glouglou du "tout-à-l'écran", pour reprendre le mot du poète. Le problème très concret est que chaque mètre de linéaire occupé par ce genre d'ouvrages représente autant de possibilité d'existence en moins pour une pensée nouvelle. C'est une guerre de position. Certes, quelques maisons audacieuses font encore un travail remarquable mais leur nombre s'est effrité, ce qui a diminué de façon inquiétante le droit à l'existence philosophique de la jeunesse. Celle-ci se trouve ou bien mise a priori à l'index ou bien sommée de troquer son originalité pour avoir le droit à la parole.
L'édition perd son sens à répondre à une demande prédéfinie. La découverte devrait être sa boussole. Or c'est cet assassinat du nouveau par le bien-connu que l'industrie de l'édition et des médias opère tous les jours, créant une vogue à laquelle peu résiste. Seul cela qui parle déjà à tout le monde est digne d'attention et susceptible d'être diffusé : chaque lecteur ciblé doit pouvoir s'écrier : "je l'avais bien dit !" L'idée inconnue, le verbe irrégulier qui dérange est priée de se taire. Pourtant, comme dit René Char, "celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience".
Le projet
Fondées par Guillaume Pigeard de Gurbert, longtemps éditeur chez Actes Sud où il a dirigé plusieurs collections philosophiques et littéraires, Les éditions du Midi ont leur raison d'être dans la volonté de s'affranchir des normes actuelles du marché du livre en créant un lieu de rencontre d’un auteur et de ses lecteurs indépendant, dans un souci particulier des tout jeunes écrivains.
Il est l'heure de profiter de l'outil numérique qui permet de décorréler la diffusion d'un livre de sa distribution nous permet d'avoir pour seul critère la recevabilité philosophique ou poétique des textes, sans souci de rentabilité ni même d'équilibre économique. La diffusion remplit désormais les conditions de la publication au sens kantien d'un jardin public où les pensées, les imaginaires singuliers trouvent un terrain de jeu où se croiser.
C’est une discussion avec Hubert Nyssen (1925-2011), le fondateur des éditions Actes Sud, qui a validé en 2010 le projet déjà ancien de cette maison en ligne dédiée à ces parents pauvres de l'édition que sont la philosophie et la poésie et attentive aux nouvelles voix.
L'avantage est en outre de pouvoir publier aussi bien de véritable livres que des textes courts, sans souci du coût de revient.
La levée de la contrainte économique n'implique aucunement pour autant de céder à la surproduction. La haute exigence de notre catalogue le destine au contraire à une diète pointilleuse et bienfaisante.
La Maison publie des textes de philosophie mais aussi de poésie.
Elle n'exclut pas à l'occasion de rééditer des textes fondamentaux qui seraient introuvables ou négligés, afin de les rendre à nouveau visibles et accessibles.
N.B. : Les droits d'auteur des manuscrits retenus sont protégés par un numéro d’ISBN, avant la mise en ligne de ces derniers sous forme de fichiers téléchargeables édités par nos soins. Rien n’interdit que les textes que nous diffusons puissent ensuite faire l’objet d’une distribution classique. En attendant, les textes publiés mènent d'ores et déjà leur vie ici hors commerce.